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Autres Nouvelles

16 décembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 9-

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-Chapitre 9-

Lorsqu’il eut passé en revue tout les candidats restants, Pierre N*** dut se rendre à l’évidence : aucun ni aucune ne convenait. Il y avait bien eu cette ravissante jeune femme blonde qui parlait de la morale  comme de l’amour de sa vie. Mais le comptable se méfiait de la beauté lorsqu’elle était si parfaite. Il doutait qu’une femme si désirable eut pu se préserver comme elle le prétendait. Elle évoquait la  joie indicible d’être vertueuse, le contentement d’être probe et la beauté de la décence.  Bien qu’il ne  fût pas poète, Pierre N*** crut à une allégorie descendue des cieux, la Vertu guidant Pierre N*** dans son entreprise fabuleuse. Il demeura muet, tout à son ravissement. La jeune femme poursuivit sa tirade majestueuse, elle fustigea l’inconstance de la jeunesse,  et l’alcool qui corrompt. Ces dernières paroles tirèrent le comptable de sa contemplation béate. Il toisa alternativement son verre de whisky vide et la jeune femme blonde lancée dans sa diatribe effrénée. Pas d’alcool ? Pas d’alcool dans le havre de la vertu ? Pensait-elle qu’on entrait dans un couvent ? Car assurément, c’était là sa place à cette jeune anachorète, la vertu n’est pas l’ascèse. Il leva des yeux réprobateurs sur la  jeune femme blonde qui s’était tue. Le trouble du comptable ne lui avait pas échappé. Pierre N*** se leva, déclara qu’elle devait sans nul doute se faire nonne et la congédia avec une relative courtoisie, car à la blondeur de sa chevelure il préférait celle du malt.

Aucun autre ne retint l’attention du comptable. Un jardinier, deux ou trois cuisiniers et quelques bonnes de maison avaient proposé leurs services mais dès qu’on leur parla morale ils ne donnèrent aucune satisfaction à Pierre N***, passablement agacé et progressivement déconfit.


Le comptable demeura toute la nuit à tourner et retourner son projet gigantesque et à déplorer la maigreur de ses effectifs. Il n’avait recruté que trois être moraux. Celui qui n’aimait pas la jeunesse, le poète-philosophe (cela revenait à peu près au même pour Pierre N*** qui ne faisait pas grande distinction dans les arts) et celle qui n’aimait pas la foule. Il songea qu’abaisser ses critères de sélection lui promettaient assurément la débâcle et l’opprobre. L’intrusion d’individus semi-moraux dans son havre de probité devait sans nul doute le conduire à sa perte, dans le feu, le sang et la honte. Pierre N*** s’endormit au point du jour,  en proie aux tourments d’un projet qui vacille.


-Fin du chapitre 9-

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1 décembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 8-

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-Chapitre 8-

Son entrevue avec la jeune femme bouleversa la teneur du projet de Pierre N***. Non, la vertu, bien qu’elle dût régir nos vies toutes entières, la vertu n’était pas omnipotente, c’était d’ailleurs pour cette raison déplorable qu’il menait son gigantesque combat moral. Cette considération plongea le comptable dans un profond accablement. Toute société vertueuse ne prospérait pas inéluctablement, c’était là une amère vérité. Pour la première fois, le comptable considéra les questions pratiques de son havre de la probité, ce que la vertu cède à la biologie. Alors qu’il avait exclu les femmes de sa prodigieuse entreprise sans songer que cela méritât un quelconque approfondissement, il convint que leur présence sur l’île était nécessaire à la postérité de sa nouvelle société. On jugera cette réflexion des plus élémentaire mais Pierre N*** n’était pas un être pragmatique. D’innombrables théories morales de son cru  l’avaient éloigné du bon sens où sa dernière entrevue l’avait ramené sans ménagement.

Voyons, combien de femmes lui fallait-il au juste ? Attendu que, dans la société moralissime qu’il établirait sur le havre de la vertu, chaque homme devait avoir une femme, il convint sans peine que cela dépendait du nombre  d’hommes qu’il choisirait d’emmener. Il n’avait aucun avis sur le problème. Certain que son entreprise était la volonté de la divine vertu, il écarta encore la question bien vite : le nombre s’imposerait de lui-même.

Il pensa ensuite vaguement aux accointances  qui pourraient unir les membres de sa société et se demanda s’il  avait à s’en soucier. Il considéra bien vite qu’il ne devait pas en encombrer son esprit : la vertu uni toujours les êtres dans un amour réciproque et vertueux, sans l’ombre d’un doute, il n’y aurait nulle jalousie, nulle incartade ; la vertu veillerait à ce que les êtres se trouvassent et se gardassent.

Pierre N*** s’extirpa finalement du trouble qui l’avait saisit. Tout compte fait, il devait seulement prendre soin que son île abritât aussi des femmes. Heureux que tout fût finalement si commode, le comptable but son whisky d’une traite et ouvrit sa porte au prochain candidat qui patientait.


-Fin du chapitre 8-

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30 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 7-

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-Chapitre 7-


La première femme à se présenter devant le comptable devait avoir une vingtaine d’années. Lors de sa revue d’effectif, Pierre N*** en avaient désignée quelques unes, peut-être deux ou trois, plutôt jeunes, d’aussi loin qu’il s’en souvenait. Non qu’il pensait les emmener sur le havre de la probité, mais il avait la conviction que n’en avoir choisi aucune aurait déplu à la foule. Il avait peur de la foule. La foule était imprévisible, manipulable, anarchique et dangereuse. Finalement, la seule foule qui vaille c’était celle bien ordonnée des bataillons.

La jeune femme s’assit, l’air déterminé. Pierre N*** l’observa quelques instant sans mot dire, à se demander comment il écourterait l’entretien sans éveiller les soupçons. Il pensa à son havre de la vertu et à toutes les raisons qu’il avait d’en écarter les femmes. Il n’en trouva pas mais voulut persévérer et dut conclure finalement et soudainement qu’il avait sous les yeux la pérennité de son projet. Oui. Tout compte  fait, il faudrait bien des femmes sur son île s’il voulait que sa société vertueuse survive  aux premiers habitants de l’île. Cette jeune inconnue, pourvu qu’on lui trouve un époux vertueux, pourrait pérenniser son projet fabuleux.

Pierre N*** était perdu dans ses pensées générationnelles lorsque la jeune femme s’exclama, impatiente:

« Voyez-vous, je voudrais qu’on me remarque. Le problème c’est que nous sommes trop. Trop nombreux, je veux dire. C’est vrai, comment raisonnablement me situer parmi des milliards d’individus ? Comment puis-je me croire différente parmi mes milliards de semblables ?  Je voudrais qu’on s’intéresse à moi. J’aimerais qu’on me distingue, qu’on me reconnaisse. Je crois que la solution c’est votre microsociété.

- Mon havre de la vertu. Il est étonnant que quelqu’un de votre sexe ait autant d’amour propre, fit délicatement remarquer Pierre N***, qui ne savait pas parler aux femmes et qui, d’ailleurs, ne leur avait jamais vraiment parlé.

-Que voulez-vous que je vous réponde ? De toute façon on n’est plus que des anonymes, numéro x à la tombola –je veux bien que ce soit le principe mais cela me dérange-. Et puis, numéro y à la banque, à l’université numéro z… Ca confine à la schizophrénie…. Non vraiment ça n’a rien à voir avec la fierté monsieur, c’est cette foule, je déteste la foule. »

Le visage de Pierre N***  s’illumina :

« Je déteste la foule ! Moi aussi je déteste la foule ! Je crois que vous serez utile à mon havre de la vertu. »

Tout compte fait, cette jeune femme serait davantage qu’une matrice.


-FIn du chapitre 7-

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29 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 6-

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-Chapitre 6-

Le deuxième  qui trouva grâce aux yeux de Pierre N*** fut un autre jeune homme aux yeux tristes et rêveurs. Il salua d’un air un peu absent puis s’assit à l’invitation du comptable. L’homme semblait si accablé intérieurement que Pierre N*** crut approprié d’adopter un air aussi psychanalytique que possible :

« Hum, eh bien, dites-moi, qu’y a-t-il ? Pour quelles raisons profondes souhaitez-vous accoster sur mon havre de la vertu ? »

L’homme toussa puis déclama :

« Il faut que vous m’emmeniez avec vous je vous en prie, j’ai une femme à oublier et ce ne sera pas trop d’un nouveau  monde. »

La supplique surprit Pierre N*** qui se demanda si ces propos étaient vertueux. C’est qu’il avait une conception très arrêtée de l’amour.

- Je vois, je vois… Un chagrin d’amour, résuma-t-il, perspicace. Mais pour ce genre-là, peut-être que la légion ou l’armée seraient plus conseillée, c’est là-bas que beaucoup vont oublier des femmes, il me semble, non ? hasarda Pierre N*** qui, décidément, avait beaucoup d’admiration pour les  bataillons.

-Sans doute… Oui c’est ce qu’on dit mais mon asthme n’est pas du même avis. » Il toussota un peu comme pour se donner du crédit et reprit : « Mais comprenez, cette femme, je ne peux espérer l’oublier que si j’oublie le monde puisque tout ici me la rappelle. »

Pierre N*** goûta la formule avec ravissement. Cela ne manquait certainement pas de poésie. Oui, l’amour qui rendait cet homme poète devait être vertueux, à n’en pas douter. Et cette histoire de nouveau monde, cela lui était très familier.
« Votre démarche est donc romantico-métaphysique, si je comprends bien, fort bien, nous aurons besoin d’un philosophe et d’un poète sur mon île » déclara Pierre N*** avec des yeux brillants.


-Fin du chapitre 6-

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27 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 5-

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-Chapitre 5-

Le premier que choisit Pierre N*** fut un étudiant au physique plutôt ingrat, un peu gauche et à l’air taciturne. Il avait pénétré dans le salon -qu’on avait rebaptisé « succursale du havre de la probité » depuis peu- les yeux rivés à ses souliers. C’est pourquoi Pierre N*** ne s’expliqua pas comment il se prit les pieds dans le tapis et chuta lourdement. Il se releva prestement, le regard bas, contemplant peut-être avec nostalgie le peu de constance qui l’avait définitivement quitté dans sa chute. Considérant qu’il voulait créer une société d’êtres vertueux et non d’êtres dégourdis, l’Empereur de la probité l’invita à prendre place. L’homme  renifla et s’assis. A présent ses genoux faisaient obstacles et ses pieds étaient hors de sa vue. Il contempla donc ses mains qu’ils tordaient avec  un masochisme inouï.


« Pourquoi devrais-je vous emmener avec moi ? » lui demanda Pierre N***.
A ces mots l’homme leva des yeux craintifs. Il ouvrit la bouche, la ferma, baissa les yeux, ouvrit la bouche, leva les yeux puis dit :
« Monsieur, vous devez m’engager parce que… parce que je ne supporte plus d’appartenir à la jeunesse. Depuis mon adolescence je compte les jours qui me séparent de la trentaine où, enfin je ne serai plus de cette caste d’écervelés, qui pense ce qu’on lui dit de penser, parle comme on lui dit que la jeunesse parle et se rebelle en troupeau. Je n’aime pas la jeunesse, Monsieur, je la déteste. »

Il baissa les yeux.

-Moi non plus je n’aime pas la jeunesse, ses mœurs me font horreur, considéra Pierre N*** pour qui la jeunesse n’était pas un âge de la vie mais une subdivision lamentable de l’humanité.
-Alors prenez-moi avec vous, supplia l’étudiant, je ne suis pas des leurs, prenez-moi sur votre presqu’île de la chasteté! Je suis vertueux !
-Le havre de la vertu, corrigea Pierre N***, oui je pense que vous pourriez en être. »

-Fin du chapitre 5-

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26 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 4-

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-Chapitre 4-

Le comptable fit paraître une étrange annonce dans la presse régionale et qu’avait relayée la presse nationale : « Recherche homme ou femme déçu(e) du monde et prêt(e) à en créer un autre, sain. S’adresser à Pierre N*** le 8 octobre. »
Au petit matin, une foule considérable se massait devant le portail de Pierre N***. Un écriteau indiquait qu’il ouvrirait ses portes et débuterait la « sélection des élus » à sept heures tapantes.


Bien qu’il ne fût pas dans ces habitudes d’être matinal, Pierre N*** avait fixer cette heure hautement symbolique après de mûres réflexions. Sept heures, cela rappelait les sept péchés capitaux qui accablaient l’humanité, à n’en pas douter. Le symbole était évident. Assurément, ses élus apprécieraient le symbole. La rumeur grondait au dehors. Appuyé contre sa porte, l’œil collé au judas, Pierre N*** observait la multitude comme un grand général au sommet d’une colline son armée. Lorsque le septième coup de l’horloge du salon eut retenti, il ouvrit sa porte.


Avec une lenteur infinie, la tête haute et le regard droit, il descendit l’allée bordée de pâquerettes qui menait au petit portail. « Allons, allons, un peu de calme. » ordonna-t-il doucement, en prenant l’air d’un souverain pontife qui bénissait urbi et orbi. Un semblant de calme nimba la foule dense. Seule une quinquagénaire s’égosillait en vain, un peu plus loin. Elle criait qu’elle voulait présenter ses filles à Pierre N***. Les regards sévères à l’entour la firent taire.


Après qu’il eut récité son habituelle diatribe et déploré le destin funeste d’une humanité immorale, le maître des lieux observa un profond silence, la tête baissée. Comme s’il se recueillait sur le cadavre exsangue de l’humanité licencieuse. Puis, levant cette fois les yeux au ciel, Pierre N*** proclama : « Au nom de la  morale et de la vertu, je vous prierai de vous mettre en rang. Je vais vous examiner, avec probité. Ensuite, je m’entretiendrais avec certains. »
En dépit d’une cohue indescriptible qui, par miracle, ne fit ni blessé ni mort, la foule épaisse laissa place à ce qui ressemblait assez à une haie.


Pierre N*** longea le rang gigantesque. « J’ai l’air d’un général qui passe en revue » pensa-t-il. Et il s’en réjouit car il avait toujours révéré cet ordre immuable qui règne ordinairement dans les bataillons. Il observa l’allure générale des uns et des autres. A n’en pas douter, quiconque mène une vie morale le porte sur sa figure noble et délicate. De même que quiconque se livre à la débauche a une mine lamentable et coupable. C’était du moins ce qu’il pensait sans l’ombre d’un doute.

Lorsqu’il eut finit de passer en revue, Pierre N*** avait choisit une petite trentaine de personnes, dignes de son intérêts. Il congédia tout les autres, et les quelques unes qui voulaient lui présenter leurs filles avec un profond mépris. Les autres furent invités à entrer dans le jardin, en prenant bien soin de n’écraser aucune pâquerette.

-Fin du chapitre 4-

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25 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 3-

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-Chapitre 3-



Les mots résonnèrent dans l’estaminet vide. Peu soucieux de son public inexistant, Pierre N*** poursuivit sa proclamation en embrassant du regard le parterre de chaises vides. Seule Rose, à laquelle le grand orateur n’avait prêté aucune attention, goûtait ce spectacle grandiloquent en essuyant des verres.

« Mon projet de vertu et de probité. » Pierre N*** se tut quelques instants pour écouter la rumeur imaginaire, interdite et prodigieuse qui emplit la salle. Faisant mine d’ajuster une couronne de laurier sur son front, il reprit avec emphase : « je choisirai une poignée d’hommes et de femmes. Ceux-là seront les élus. Ils peupleront le « havre de la probité ». Cette île qui m’appartiendra, accueillera des hommes et des femmes dignes et, car il en existe encore, je veux le croire, vierges de toutes les aberrations du monde moderne. Venez donc vous qui ne vous sentez plus d’ici, vous qui ne voyez plus dans vos semblables la ressemblance. » Ayant dit, Pierre N*** sauta avec souplesse du comptoir et demanda à Rose de lui servir un whisky, le whisky de la vertu.
Pendant les semaines qui suivirent, une multitude de candidats vint se masser à la porte de Pierre N***. Ils répondaient tous à une annonce, que le comptable avait fait paraître dans la presse régionale et qu’avait relayée la presse nationale : « Recherche homme ou femme déçu(e) du monde et prêt(e) à en créer un autre, sain et vertueux. S’adresser à Pierre N***. »

Les journalistes, parce que Pierre N*** avait gagné le gros lot le plus considérable de l’histoire des jeux, se faisaient l’écho retentissant de sa folle entreprise. Bientôt, ce qui semblait être les délires dérisoires d’un pilier de bar devint le rêve grandiose d’un génie mégalomane. « Pierre N*** : le rêve d’une nouvelle humanité » titrait le plus grand quotidien de la capitale. « Pierre N*** : délires subversifs ou aube nouvelle? » s’interrogeait le très intellectuel hebdomadaire  La pensée néomérovingienne, tandis que  Le Littéraire publiait sobrement : « Le nouvel Alceste ».



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24 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 2-

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-Chapitre 2-

Les jours qui suivirent on ne vit plus le nouveau richissime; de folles rumeurs allaient bon train dans la petite ville : « On dit qu’il est parti avec ses millions s’acheter un petit pays pour y lever une armée et conquérir le monde. Si vous voulez mon avis, les colonnes de chiffres, ça l’a rendu  bizarre et même fou à lier, cet énergumène. Je ne l’ai jamais trouvé très net… Je crois que sa pâtisserie préférée c’était le baba au rhum ; si vous voyez ce que je veux dire… » s’exclama la boulangère qui se trouvait bien spirituelle. « Si vous voulez mon avis il doit être parti depuis qu’il est riche comme Crésus, tenez ça fait trois fois que je suis allé sonner chez lui pour lui présenter mes filles et il ne m’a pas ouvert, pas une seule fois ! » répliquait une cliente, vexée.

Mais Pierre N*** n’était que cloitré chez lui, à planifier sa folle entreprise. Cette somme prodigieuse était un don du Ciel. Il savait qu’il devrait l’investir dans un vaste projet, il était désormais un guide, le guide de l’ordre moral, le commandeur de la décence, le héraut de la vertu ou même tiens, pourquoi pas, ça sonnait très bien, l’Empereur de la probité. Lorsqu’il eut passé trois ou quatre jour à déterminé quel serait son titre, Pierre N***, traça méticuleusement les lignes fabuleuses de sa prodigieuse entreprise.

 Un soir, enfin, il sortit de sa retraite. Echevelé et épuisé, il grimpa dans et sa vieille guimbarde, « le char de la vertu » comme il l’avait secrètement baptisée et se rendit sur-le-champ à l’auberge de la colline. Le voici arrivé sur les lieux, il monte sur le zinc et, d’un mouvement hiératique, se drape dans sa toge invisible puis déclare puissamment :

« Voilà que je sauve cette humanité des turpitudes ! Voici que mon grand projet prend forme. »

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23 novembre 2010

La folle entreprise de Pierre N*** -Chapitre 1-

-Chapitre 1-



Chaque soir ou presque, après son travail de comptable, Pierre N*** se rendait au bar de l’auberge de la colline pour boire et discourir. Ainsi, il buvait ses verres et Rose, l’unique serveuse de l’auberge de la colline, buvait ses paroles. A mesure qu’il levait le coude, les propos de Pierre N*** gagnaient en emphase et en superbe : on eut dit que son bras était un levier qui libérait une logorrhée toujours plus réprobatrice. Dans un état d’ébriété avancée, il fustigeait l’immoralité et le manque de tenue des hommes : « C’est que la société se délite, disait-il invariablement vers minuit en adoptant des postures de grand orateur, la jeunesse se vautre dans la luxure obscure et abêtissante, tel goret dans fange ! Mais c’est qu’on s’y plaît tout en bas, loin bien loin –trop loin- de toute dignité d’homme, allez, allez donc suiveurs de Sardanapale et de vos aînés obscènes, précipiter l’humanité parmi la décadence la plus sordide ! » Ainsi parlait Pierre N*** lorsqu’il avait vidé ses verres. Et la serveuse, qui était bien ingénue, était éprise de ce jeune trentenaire qui, quand il était gris, discourait comme un poète maudit  enchanté par la fée absinthe ou quelque chose comme ça.

Or un jour, Pierre N*** ouvrit le journal pour y trouver les résultats de la loterie, comme il le faisait chaque mercredi parce qu’il jouait chaque mardi soir. Et cette fois, il avait tous les numéros. : « Je, je… j’ai gagné… j’ai gagné le gros lot » balbutia-t-il sans aucune originalité. Alors ce fut le début d’une grande entreprise pour Pierre N***, qui sut tout de suite comment utiliser la somme prodigieuse.

Le besoin irrépressible d’en faire part à son éminence grise l’étreignit. Il monta dans sa voiture, roula jusqu’en haut de la butte, sortit du véhicule et entra en trombe dans le bar de l’auberge de la colline : « Rose, Rose, hurla-t-il comme un damné, je m’en vais créer un nouvel Eden, une société vide de toute immoralité !
-Monsieur m’aurait-il été infidèle en allant boire ailleurs ? s’enquit la jeune fille, vexée.
-Une société créée par Pierre N***, formée d’êtres raffinés, courtois et distingués », reprit-il, ivre de joie, puis il sortit comme il était entré, l’œil fou et la démarche fulgurante.


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22 novembre 2010

La fête battait son plein sur la place -Chapitre 2-

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-Chapitre 2-


La cause inconnue de cette fête ne gênait personne, et si l’économie du village n’avait pas plongé vertigineusement on ne s’en serait jamais inquiété. Mais l’heure était grave, il fallait travailler davantage, il fallait qu’une fête tombât, pour que l’économie ne piquât plus du nez.

Le maire réunit tous les notables du village autour d’une table dans la salle des fêtes. On avait disposé des rangées de chaises pour que les villageois assistassent à la discussion. La salle était comble lorsque le maire prit la parole, devant le médecin, le juge, l’industriel, le banquier, le curé et un vague poète, le poète du village qui avait  jadis publié un sonnet dans un journal à grand tirage et qui faisait la fierté du bourg.

« Messieurs, l’heure est grave, gravissime même… » Il jeta un œil interrogateur vers l’industriel qui opina du chef en tordant la bouche puis vers le banquier qui tordit la bouche puis opina du chef. « GRA-VIS-SI-ME ! » reprit le maire. Une rumeur parcourut la petite foule massée autour des notables. « Mes chers concitoyens, nous sommes réunis ici pour décider de la suppression d’un fête, il en va de la survie de notre communauté. » poursuivit-il sans ménagement.  Il régnait dans la salle un silence de cathédrale. Peut-être est-ce pour cela que le curé fut le premier à prendre la parole :
« Mes fils, dit-il, mes fils, les fêtes religieuses sont à conserver. Mais il existe une fête païenne que, sans doute, le Seigneur réprouve, et c’est d’elle qu’il faut nous séparer…
-Mon père, mon père, l’interrompit le maire avec un air pourtant bien paternel, nous ne pouvons abolir la fête du village. »

L’assistance demeurait silencieuse, en plein dilemme entre l’autorité et la foi. Le poète dégagea une mèche bouclée qui masquait son œil droit, comme il le faisait toujours lorsqu’il s’exprimait pour la postérité et s’interrogea avec emphase : « Eh quoi ? Dieu n’aime-t-Il pas la fête ? Je veux croire qu’en ce jour de célébration, nos musiques légères montent au ciel comme une assomption nouvelle et que Dieu et les anges s’en délectent et dansent et chantent au son cristallin de nos harpes. Gardons-la, et gardons toutes les autres. » Il est vrai que le poète ne travaillait pas et l’argument de l’économie en berne lui était parfaitement abscons.

Bientôt on prit la parole tout autour de la table, dans un brouhaha confus puis tout à fait incompréhensible.


-Fin du chapitre 2-

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